Le plus important, c’est le plan de travail. Le cœur du
dispositif.
Je n’ai pas de lieu de prédilection. N’importe quelle table ou bureau fait l’affaire pourvu que je puisse l’envahir en totalité pendant quelques jours, J’ai un chantier permanent en Creuse, j’en ai un autre à Nantes, un à Saint-Étienne.
J’ai eu beaucoup de chantiers provisoires, un notamment cet hiver sur la côte atlantique. Il faut que ce soit vite replié et emballé, comme un campement de campagne, diraient les militaires. Je suis un nomade sédentaire.
Ce chantier obéit à plusieurs impératifs : Il doit être encombré, avoir l’air au premier coup d’œil d’un fouillis où je suis le seul à savoir à peu près me diriger. Envahi, investi, sacralisé, comme le templum des augures à Rome, ce petit morceau de ciel qu’ils délimitaient en rectangle entre leurs deux mains ouvertes : et seuls les oiseaux qui passaient dans cet espace avaient valeur de signe prophétique.
D’autres disent qu’ils découpaient cette page de ciel avec leur bâton sacré ; mais j’aime mieux le travail à la main.
Le templum est un cadre : le cadre qui délimite le sacré, qui permet de peindre, celui qui découpe ce qu’on voit. Voir, c’est cadrer. Penser aussi, c’est cadrer. Et donc écrire, à plus forte raison.
PIERRE MICHON
Extrait de La Panoplie littéraire – revue Décapage – numéro 51.