Le numéro est excellent
Comment naît une revue littéraire ? On ne devrait pas se poser la question. Heureusement, d’autres l’ont fait pour nous et ils se sont réunis en colloque – sérieux – à la Fondation des Treilles. Objet de l’étude : la Nouvelle Revue Français (NRF, pour les intimes). Ils ne se sont pas contentés de relire les anciens numéros, ils ont épluché des « milliers de lettres laissées par les proches de la revue ». On n’a pas recompté, on fait confiance.
Quelle ligne tenir ? Qui publier ? Comment rassembler sous une même couverture des auteurs qui ne prendraient pas un pastis ensemble ? Comment gérer les susceptibilités des uns et les ambitions des autres ? Les interventions sont passionnantes pour peu qu’on s’intéresse aux revues (littéraires) et à la littérature (en général). Si les conférences sont éclairantes, les échanges épistolaires sont savoureux. Comme l’écrit Jean Schlumberger à Jacques Copeau : « Le numéro est excellent d’ensemble. » On voit une histoire littéraire s’écrire sous nos yeux. Exemple : Jean Paulhan tente de collaborer à la NRF. Schlumberger envoie un mot à Copeau, le 8 septembre 1912 : « Lisez ces poèmes qui ne me paraissent pas dépourvus d’intérêt et faites suivre la lettre si vous le jugez à propos. Ce Jean Pouilhan [sic] m’envoyait par le même courrier un intelligent article sur des chants populaires malgaches. » (Rappelons que Paulhan deviendra un personnage incontournable de la NRF.) On comprend que faire une revue n’est pas une sinécure (on le sait bien) Pour finir, un dernier mot de Jacques Copeau : « Je ne débande pas un instant, cher vieux. Et je vous assure que je fais du travail. » On le croit.
Cet été, osez la lecture !
A lire : Un monstre de lettres, Les auteurs de la première NRF au miroir de leurs correspondances, Gallimard, 2021.