On suit Raphaël Meltz depuis son premier livre (c’était aux Éditions du Panama, Mallarmé et moi. Hilarant, déjà.) Il revient avec un livre drôle, iconoclaste, pétillant, réjouissant.
Adrien est journaliste spécialisé dans le numérique – ça l’intéresse moyennement et il porte un regard décalé sur le monde qui a pris possession de notre temps (et de nos vies). Lui, ce qu’il aime, Adrien, c’est écrire. Il cherche un sujet de roman (comme par hasard).
« Pour écrire un roman, il n’y a qu’un seul cadre que j’accepte de me fixer, un seul cadre : pour écrire un roman, je dois être capable de convoquer les spectres – quelle autre définition, quelle meilleure définition que celle-ci, pour être écrivain il faut pouvoir convoquer les spectres m’avait dit un vieux monsieur un soir, c’était le 25 octobre 1995, c’était un clochard céleste comme on dit, un clochard lecteur… »
Les spectres ? « Tu devrais écrire sur papy c’est quand même un sacré sujet de roman » lui souffle son père. Papy ? Gabriel ? Celui qui a été un des premiers opérateurs du cinéma ? Celui qui a parcouru le vingtième siècle derrière sa caméra ? Hum… pourquoi pas se dit Adrien qui doit quand même y réfléchir un peu.
Raphaël Meltz aime jouer avec l’inter-textualité, ses personnages et surtout son lecteur.
On ne le dira jamais assez : quand il y a de l’humour à l’écriture, il y a du plaisir à la lecture.
Le style de Raphaël Meltz, c’est l’ajout, la circonvolution, la phrase qui tourbillonne, l’ironie qui mord, le dialogue qui frappe et la pensée qui claque.
Ce roman n’est pas seulement le lieu de la joyeuse gaudriole : il y a aussi beaucoup de sensibilité dans le portrait de Gabriel avec qui on traverse le siècle de 1919 au 11 septembre 2001.
Avec ce roman, Raphaël Meltz réalise exactement ce que son personnage Adrien ambitionne de faire : un livre qui avance « par cercles concentriques, c’est-à-dire tourner autour d’un sujet et avancer en même temps, se déplacer, dans le temps, dans l’espace, la perspective, la dimension, sans le faire de façon linéaire, ça c’est tellement facile… »
Raphaël Meltz construit son roman ainsi, passant d’une époque à l’autre, d’un sujet à l’autre, d’une théorie à l’autre. On rit beaucoup, on revisite l’histoire du cinéma, on ne veut ps que ça se termine trop vite. Mais même les bons romans ont une fin.