La revue «Décapage» dans les coulisses des écrivains
Pour son numéro de rentrée, Décapage donne carte blanche à Jean-Philippe Toussaint. Qu’attendent de cette rubrique les fidèles lecteurs de cette excellente revue pleine de fantaisie ? Un tour dans les coulisses d’un écrivain, des anecdotes sur son adolescence, le nom des lieux qu’il aime, bref, un peu d’intimité et d’inédit. Avec Jean-Philippe Toussaint (lire ci-contre), le tour d’horizon est surtout visuel car il est aussi photographe, cinéaste et plasticien. Un extrait de son manifeste esthétique, l’Urgence et la Patience (Minuit, 2012), rappelle que ses lieux chéris sont Ostende et la Corse, et que Toussaint se punit en écrivant les premiers jets de son manuscrit dans la police Helvetica en simple interligne, avant de passer après corrections à une page aérée et au Times New Roman, la police digne d’être envoyée à son éditrice, Irène Lindon. Puis nous retrouvons des photos qui furent exposées au Louvre lorsque Toussaint y avait reçu une «carte blanche» en 2012, et qu’il y rendait un «hommage visuel au livre» : des jeunes gens décoiffés par le vent en tiennent un à la main.
D’autres écrivains de la rentrée littéraire figurent dans Décapage, particulièrement dans la rubrique consacrée à ces livres que l’on ne lit pas. Les écrivains, eux, lisent tout. Alice Zeniter confie : «J’ai été avertie par mon compagnon et les deux amis à qui j’ai donné le sujet proposé par Décapage que j’aurais l’air d’une pédante de premier ordre si je répondais une chose pareille.» Thomas Vinau écrit le témoignage le plus sombre de tous. Lui aussi ne laisse rien passer et cette tendance s’est accélérée à son entrée dans l’âge adulte : «Les choses ont pris une tournure conséquente lorsque ma mère est morte et que j’ai dû vivre seul dans notre pavillon rue des Abricots. Je me retrouvais seul à 19 ans avec un salon couleur cuir, un pavillon crépi dans les tons du fruit qui donnait son nom à la rue et la grande peine froide d’un être irrémédiablement seul dans l’univers.» Pierric Bailly achète trop de livres et les choisit un peu n’importe comment : «J’ai eu une courte période Thomas Bernhard et j’en ai acheté tout plein, mais je n’en ai lu que trois ou quatre.» Il a aussi acheté Dans mes yeux, de Johnny Hallyday et Amanda Sthers. Jamais ouvert. «Pourtant, je l’ai acheté avec l’intention de lire. Et pas pour me moquer ou quoi. J’avais vraiment envie de le lire, puis l’envie m’a passé.»
Nous retrouvons le duo Jean-Baptiste Gendarme et Alban Perinet pour quatre pages de bande dessinée autour, encore, des livres de la rentrée. Une femme qui a lu le Dossier M de Grégoire Bouillier (Flammarion) explique à un homme, sûrement un collègue de bureau puisqu’ils discutent à côté de la machine à café, à quel point cette autobiographie est formidable. Elle cite Bouillier : «Que retient-on d’un livre à notre niveau individuel ? Une ou deux phrases qui nous sautent soudain au visage, une ou deux phrases et c’est déjà bien beau ? Une ou deux phrases qui passent directement dans notre langage courant, pour ne pas dire dans nos veines ?»