Archives par mot-clé : CLÉMENT BÉNECH

Décapage N°66

Abonnement découverte N°66

Parution : 19 octobre 2022

Les chroniques

Le Journal littéraire
Arnaud Dudek
Regards
Le boomerang de la réalité
Mathieu Simonet
L’Interview imaginaire
Jules Renard
La Pause
Alban Perinet et Jean-Baptiste Gendarme
Posture (et imposture) de l’homme de lettres
Jean-François Kierzkowski
Et moi, je vous en pose des questions ?
Miguel Bonnefoy
L’Air Vilain
Philippe Vilain
Une autre histoire de la littérature
Notes et propos
Patrice Jean

Thématique : "De la page à la scène"

Paul Valéry note, en 1931, « Écrire, c’est entrer en scène. Il ne faut pas que l’auteur proclame qu’il n’est pas comédien. On n’y échappe pas. » Il est peu probable que Valéry pensait aux nombreux festivals et autres scènes littéraires qui se multiplient partout sur le territoire et occupent de nombreux écrivains le week-end. Concerts littéraires, lectures musicales, performances… De plus en plus d’écrivains quittent ainsi la tour d’ivoire pour fouler les planches et aller à la rencontre de publics qui excèdent leurs seuls lecteurs.
Comment s’improvise-t-on « acteur »  le temps d’une soirée ou d’une tournée. Ou pourquoi, au contraire, refuse-t-on l’exercice ?
À travers ce thème, des auteurs questionnent ce moment où la littérature sort du livre, se déploie autrement, se confronte à d’autres pratiques artistiques. Ou,
au contraire, ils racontent pourquoi ils refusent la performance, à l’instar d’Henri Michaux qui disait : « Ceux qui veulent me voir n’ont qu’à me lire, mon vrai visage est dans mes livres. »
Avec :
Arnaud Cathrine
Blandine Rinkel
Carole Fives
Clément Bénech
Gaëlle Obiégly
Maria Pourchet
Nathalie Kuperman
Philippe Jaenada
Valentine Goby
Et les apparitions de Marie Nimier et Yves Ravey.

La Panoplie Littéraire

Jakuta Alikavazovic par Baudouin, 2022

L’auteure de Comme un ciel en nous (Prix Médicis 2021) raconte son parcours de lectrice, évoque les écrivains et les livres qui comptent et revient sur ses romans – mais ne dit rien sur le prochain : « Je suis à ce stade de l’écriture où il serait tabou de dire quoi que ce soit du travail en cours. »

Créations

Alexis Ferro
L’Italie à mes pieds – Partie II, Venise.
Histoire en trois parties illustrée par Élise Jeanniot

Patrice Pluyette
Trois jours sans parler
Nouvelle illustrée par Elis Wilk

Robert Benchley
L’appât de la canne à pêche
Une courte nouvelle traduite de l’anglais (États-Unis)
par Frédéric Brument et illustrée par Floriane Ricard

Gérard Berréby
Vie désordonnée
Dix poèmes illustrés par l’auteur

Abonnement découverte N°66

16 euros (frais de port offert)

Numéro 63

DÉCAPAGE 63

LES CHRONIQUES

Le Journal littéraire
Nathalie Kuperman
Un voyage dans le temps avec l’auteur de On était des poissons
Regards
#1.  6 septembre 2018 13
Une journée dans la vie d’Olivier Liron
#2. Pour le livre 20
Une exploration avec des chiffres et des lettres
d’Olivier Bessard-Banquy
La Pause
Alban Perinet et Jean-Baptiste Gendarme
Où l’on parle de quelques livres…
L’Interview imaginaire
Henri Calet
Une discussion optimiste avec le romancier réaliste des « sales petites vies »
Posture (et imposture) de l’homme de lettres
Jean-François Kierzkowski
Du sexe en littérature
L’Air Vilain
Philippe Vilain

Lire, dit-il

Thématique

Écrivains : vos carnets
s’il vous plaît !

Une plongée dans l’intimité de la création grâce à l’exploration des carnets d’écrivains.

Carole Fives
Clément Bénech
Clément Ribes
Colombe Boncenne
Éric Chevillard
Éric Laurrent
François-Henri Désérable
Jakuta Alikavazovic
Julia Kerninon
Patrick Goujon
Simon Roussin
Sylvain Prudhomme
Vincent Almendros

La Panoplie littéraire d’Yves Ravey

Discret et pudique, écrivain d’une vingtaine de livres aux Éditions de Minuit, il se prête au jeu de l’autoportrait et explore ses archives, sa bibliothèque, évoque son rapport à l’écriture et nous parle de son métier.

Création

Quentin Desauw
Une vieille histoire de famille
Une nouvelle illustrée par Marion Bucciarelli
Phil Guénin
La voix de Béatrice
Une nouvelle illustrée par Elise Jeanniot
Philippe Béon
Fallait le dire !
Des microfictions illustrées par Maya Brudieux
Guillaume Tavard
Joyeux anniversaire, Gwendoline
Une nouvelle illustrée par Elis Wilk

NUMÉRO 60

Numéro épuisé

Chroniques

Le Journal littéraire
Erwan Desplanques
Une saison avec l’auteur de L’Amérique derrière moi.
Regards
#1 Le Paris de Jean Echenoz
Une exploration dessinée de Guy Delisle
#2 L’Intelligence du romancier
Une démonstration de Clément Benech
#3 Comment j’écris
Une explication dYves Ravey
La Pause
Alban Perinet et Jean-Baptiste Gendarme
À vos idoles
Colombe Boncenne
La bibliothèque des idoles
L’Interview imaginaire
Une heure avec Charles Bukowski par Romain Monnery
Posture (et imposture) de l’homme de lettres
Jean-François Kierzkowski
Existe-t-il un environnement géographique propice à la création littéraire ?

Le dossier

L’éditeur assure un rôle déterminant dans l’accès au champ littéraire. Comme le souligne Bourdieu, l’éditeur « n’est pas seulement celui qui procure à l’oeuvre une valeur commerciale en la mettant en rapport avec un certain marché […] il est celui qui peut proclamer la valeur de l’auteur qu’il défend. » Mais l’écrivain est-il moins écrivain avant cette première consécration ? Comment l’écrivain – et son entourage – vit-il l’avant publication ? Le moment où il passe ses nuits et ses week-ends à écrire, sous le regard – amusé ? complaisant ? encourageant ? moqueur ? – de ses proches.

Quatorze auteurs reviennent sur cette période qui précède le premier contrat d’édition, quand il fallait assumer – socialement – le fait d’écrire alors qu’ils n’avaient encore rien publié.
Avec : Carole Fives, Constance Joly, Dominique Noguez, Éric Faye, François-Henri Désérable, Laurence Tardieu, Lisa Balavoine,
Maria Pourchet, Matthias Jambon-Puillet, Nicolas Fargues,
Nicolas Mathieu, Philippe Jaenada, Sylvain Pattieu, Sylvain Prudhomme.

La Panoplie littéraire

Tanguy Viel par Baudouin.

Entré en littérature en 1998, aux éditions de
Minuit, Tanguy Viel est l’auteur d’une dizaine de
livres, dont Article 353 du Code pénal, Grand Prix
RTL-Lire en 2017. Il nous a reçus chez lui, sur les
bords de Loire, un jour gris comme un mois de
novembre et s’est plié au jeu de la Panoplie
littéraire.
Pour nos lecteurs, il évoque son enfance, ses
figures tutélaires, ses amitiés formatrices, explore
sa bibliothèque, ouvre les tiroirs et revient sur
chacun de ses livres.

Créations

Quentin Desauw
Derrière les fagots
Nouvelle illustrée par Jean-Rémy Papleux

Clémence Michallon Daniels
Laissez-moi vous parler d’elle
Nouvelle illustrée par Elis Wilk

Wolcott Gibbs
L’auto-entrepreneur
Nouvelle traduite de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Brument
Et illustrée par Maya Brudieux

Arnaud Modat
Les limites de la philosophie chinoise
Nouvelle illustrée par Floriane Ricard

Thomas Vinau
Ternaire pépère
Nouvelles en 3 lignes illustrées par Émilie Alenda

NUMÉRO 58

CHRONIQUES
Le Journal littéraire
Frédéric Ciriez
Un journal presque vrai
Regards
#1 Bertrand Guillot
Des chiffres et des lettres
#2 L’AJAR
Quatre livres cultes que vous n’avez jamais lus par le collectif 
L’Interview imaginaire 
Emil Cioran
Une rencontre ironico-sceptique avec Emil Cioran
Et moi, je vous en pose des questions ?
Grégoire Bouillier
Tout savoir sur l’auteur en moins d’une minute, montre en main
Pour remonter le moral de l’auteur
Iegor Gran
Tournons la page de ces prix d’automne attribués à d’autres que nous !
Notes de bas de page & poils de chèvre
Arthur Devriendt
La France, à table !
Posture (et imposture) de l’homme de lettres
Jean-François Kierzkowski
La micro-autobiographie

THÉMATIQUE
« Les avis que je voudrais ne jamais avoir entendus »
Le fameux « J’ai lu ton livre, mais… » et aussi les mauvaises
critiques, les maladresses, les reproches des proches
(ou moins proches), les commentaires inattendus…
Les rapprochements étranges entre son livre et une oeuvre
(ou un auteur) qu’on n’aime pas… Les petites phrases assassines…
Les incompréhensions de lecteurs… Des écrivains triés sur le volet
reviennent sur ces avis qu’ils auraient préféré ne pas avoir entendus.
Avec : Agnès Mathieu-Daudé, Anna Rozen, Arnaud Cathrine,
Émilie Raja, Laurent Sagalovitsch, Mazarine Pingeot, Miguel
Bonnefoy, Nicolas Fargues, Véronique Ovaldé.

LA PANOPLIE LITTÉRAIRE
Nathalie Kuperman par Baudouin
Alors que paraît son nouveau livre, Je suis le genre de fille, Nathalie Kuperman dresse son autoportrait littéraire et nous laisse fouiller ses archives, explore avec nous sa bibliothèque, et interroge ses livres ainsi que son rapport à l’écriture.

CRÉATION
Alicembe
Jojo Dowett
Extraits illustrés par Elis Wilk
Erwan Desplanques
Le Grand Saut
Nouvelle illustrée par Jean-Rémy Papleux
Ludovic Debeurme
Nostalgia volante
Nouvelle illustrée par lui-même
Hélios Azoulay
Moi aussi j’ai vécu
Nouvelle illustrée par Émilie Alenda

ACHETER CE NUMÉRO

QUAND CLÉMENT BÉNECH ET FRANÇOIS-HENRI DÉSÉRABLE FONT DES CANULARS

Farces, impostures et autres supercheries jalonnent l’histoire de la littérature. Les jeunes et talentueux auteurs Clément Bénech et François-Henri Désérable s’amusent depuis des mois à se provoquer par canulars interposés. Pour vous, ils reviennent sur quelques-unes de leurs facéties les plus réjouissantes. Conversation.

 

Clément Bénech : Mon cher François-Henri, je suis ravi d’évoquer avec toi certains événements ayant eu lieu ces dernières années
et que l’on peut regrouper sous le nom de « canulars » ou «impostures » littéraires. Après le plaisir de les commettre, il n’y en a guère de plus grand que de se les remémorer autour d’un demi sans fauxcol.
Le premier que nous fomentâmes eut pour cible l’Académie française, et pour objet un auteur dont les lignes les plus connues sont de cocaïne et pour lequel nous concevons tous les deux une sympathie amusée : Frédéric Beigbeder. Je ne crois pas me tromper en disant cela ?

François-Henri Désérable : Ton langage, mon cher Clément, est bien soutenu pour une conversation orale (mais qui allons-nous berner ? Tout le monde se doute que cela est écrit). Qu’importe, je réponds à ta question : non.

C.B. : Mais je parle tout le temps ainsi… Revenons à notre homme. Avec un certain panache, il a réussi à imposer auprès des jeunes filles une idée assez décontractée de la littérature, prouvant qu’elle peut facilement rimer avec biture (rime riche). Or une réussite aussi insolente ne saurait rester impunie. C’est pourquoi nous avons décidé d’un commun accord de présenter sa candidature à l’Académie, cette institution pour laquelle – parodiant Mallarmé – le monde est fait pour aboutir à un beau dictionnaire.

F.-H.D. : C’est qu’on voulait le voir, notre ami, siéger sous la coupole, parmi ces hommes qui à leur mort se changent en fauteuil (la phrase est de Cocteau), ces gens doctement ridicules, parlant de rien, nourris de vent, et qui pèsent si gravement des mots, des points et des virgules (celle-ci est de Voltaire – un fauteuil, lui aussi).

C.B. : Je ne serais pas aussi virulent. N’oublions pas qu’ils distribuent, à l’occasion, des prix littéraires. Toujours est-il que nous brûlions de le voir porter l’habit vert et avons donc rédigé une lettre à l’Académie en son nom. Dans un style ourlé mais subtil, elle mettait en avant toutes ses qualités. À nos frais, nous l’avons donc imprimée en trente-cinq exemplaires, que nous avons patiemment libellés et envoyés à l’adresse de chaque académicien, à nos frais également. Or je ne sache pas que nous en ayons été remerciés. De mon côté, aucunement, en tout cas. Et du tien ?

F.-H.D. : Nada. Mais je m’étonne, tout de même, qu’aucun immortel – j’en profite pour te rappeler que certains figurent parmi mes écrivains préférés – n’ait ébruité l’affaire. Nous n’eûmes droit à rien, pas même à la moitié d’un entrefilet dans une feuille de chou que
nous fîmes blanc ! À vous dégoûter des canulars ! Mais nous persistâmes. Modiano, que tu aimes tant, eût été fier de nous.

C.B. : Comme tu dis. On sait que ce grand échalas, avant d’être publié à vingt-trois ans sous la couverture blanche d’une célèbre maison d’édition, gagnait quelques sous en vendant à des collectionneurs des livres prétendument dédicacés par leurs illustres auteurs – quand, en vérité, il les signait lui-même à la lueur de la chandelle, comprenant rapidement qu’il obtiendrait un cachet d’autant plus important que la dédicace serait graveleuse. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il aimait appeler des amis en pleine nuit, contrefaisant sa voix, en se faisant passer pour la Gestapo. Ah, les canulars téléphoniques… Ce n’est pas aujourd’hui qu’on ferait un truc
pareil, pas vrai ?

F.-H.D. : Aujourd’hui, on se fait passer pour Busnel. Son assistante, du moins. Tu te rappelles, sans doute, cet après-midi d’avril où ma soeur, sollicitée par mes soins, t’invita par téléphone sur le plateau de la Grande Librairie : « Nous avons eu, dit-elle, un désistement de dernière minute et nous serions heureux de vous recevoir. » Ton premier roman venait de paraître, tu n’avais pas encore fait de télé ; je t’imaginais jubiler intérieurement : toi, Clément Bénech, vingt et un ans, tu allais participer à la grandmesse du jeudi soir ; bientôt, on te reconnaîtrait dans la rue, tu signerais des autographes, les filles se
dénuderaient, s’offriraient sans pudeur à ce nouveau Radiguet, et sans pudeur tu les prendrais en plein jour, à la va-vite, contre une colonne Morris ou la vitrine d’un bijoutier, sous le regard amusé des badauds. « François Busnel, ajouta sa prétendue assistante, a beaucoup aimé votre livre. D’ailleurs, le voilà. Je vous le passe. » Je pris le téléphone. Tu retenais ton souffle. J’explosai de rire. La gloire attendrait.

C.B. : Mmm oui, je crois en avoir un vague souvenir. Ce dont je me souviens parfaitement, c’est d’avoir juré, tel Joe Dalton ou Iznogoud ou tout autre petit nerveux barbu du neuvième art, que ma vengeance se mangerait chaude. Et pourtant, rien n’était plus difficile : tu allais te tenir sur tes gardes. Le téléphone étant exclu, je pris la décision de t’envoyer une lettre. Certes, nous l’avions déjà fait, mais je comptais sur toi pour te dire « pas deux fois », tels les Français peu craintifs d’une percée par la Belgique au début de la Seconde Guerre mondiale. Je piochai, dans ma collection de lettres de refus, l’une de celles qui portent l’entête des éditions Gallimard, sises dans la rue du même nom. Sur une feuille vierge, je contrefis le monogramme, puis les petites lignes tout en bas. Un travail d’orfèvre. Et je remplis le blanc de prose éditoriale : ton roman serait traduit en allemand incessamment sous peu, par les éditions Taube. Patrick Süskind avait écrit un roman intitulé Die Taube, qu’on a traduit en français par Le Pigeon. Je signai d’un nom inventé, garnis le tout de termes techniques piochés çà et là, et postai la missive dans une enveloppe à fenêtre (ça faisait plus sérieux). Puis j’attendis, en me frottant les mains. Quelques jours passèrent, rien n’arriva. Je crus que tu avais reçu la lettre, flairé le canular, et que tu comptais rebondir dessus comme on le fait, dit-on, aux arts martiaux. Or une semaine plus tard, tu m’envoyas un message sobre : « Je vais être traduit en allemand. » Après m’être assuré que tu avais appelé tes parents pour leur annoncer la nouvelle, j’estimai que tu avais ton compte et te suggérai d’aller chercher Taube dans le dictionnaire…

F.-H.D. : Ah, cette lettre… J’y ai vraiment cru. J’imaginais mon livre en tête de gondole des librairies de Berlin, cette ville à la laideur lecorbusienne que tu apprécies tant. Et puis j’allais gagner un peu d’argent, c’était noté sur la lettre, noir sur blanc : La part des droits vous revenant sera portée au crédit de votre compte Auteur dès que
nous recevrons le montant des avances. Was für einen leichtglaübigen Mann ! Tu avais gagné, je décidai d’en finir avec ces canulars. Du moins jusqu’à cette rencontre, près du Luxembourg, qui allait tout changer…

C.B. : Mon journal, tenu comme un groom depuis plus de quatre
ans, est formel : c’est effectivement le jour où la fausse lettre de
Gallimard est arrivée chez toi que je suis allé me promener aux
environs du jardin du Luxembourg. Or, devant le Sénat, plein
d’allant, passait Patrick Modiano. Moi qui, depuis quelques
années, espérais bien le croiser dans le quartier, je vais alors
l’intercepter pour lui serrer la main. Moins gauche qu’on pourrait
le croire, il me remercie pour l’envoi de mon roman, me dit
qu’il va regarder s’il l’a reçu, ainsi qu’acheter la revue Décapage
(reconnue source de bien-être par des personnes bien informées)
où je lui ai écrit une lettre ouverte. Je lui laisse mon adresse e-mail
sur un bout de papier, et il me quitte en me disant qu’il va m’écrire
(faisant le geste d’écrire à la main, ce qui aurait dû me mettre la
puce à l’oreille).

F.-H.D. : Alors bien sûr tu m’appelles dans la foulée, encore tremblant d’émotion, Marie-Madeleine après le Noli me tangere : « J’ai croisé Modiano… », et tu me dis où et quand, dans quelles circonstances, tes paroles et ses silences, et ce mail que tu attends. Les jours passent, et c’est juin. Le 9, tu reçois un message de patrick.modiano@caramail.fr :

Cher Clément Bénech,
Pardonnez ma réponse un peu tardive, j’ai été pris ces derniers
jours. Je n’ai pas retrouvé votre roman, alors je suis allé le faire
acheter par un ami. Je l’ai lu hier et beaucoup aimé. Il y a une
maturité, une maîtrise étonnante pour un auteur de votre âge.
Je serais heureux de vous rencontrer pour en parler. Peut-être
pouvons-nous organiser une rencontre dans la semaine, du moins
si vous êtes à Paris.
Je renouvelle mes félicitations et vous dis à bientôt.
Vôtre,
P.M.

Tu réponds que bien sûr, tu le rencontreras, que son jour, son heure et son endroit seront les tiens. Il t’invite dans un café, à 13 h 00, près du jardin du Luxembourg. Derrière mon écran, j’exulte : patrick.modiano@caramail.fr, c’est moi.

C.B. : Combien de temps ai-je laissé passer avant de t’appeler pour te dire que je t’avais reconnu ? Quelques minutes, tout au plus. Mais tes dénégations étaient plutôt crédibles, et le mail aussi, il faut le reconnaître. Ce « je suis allé le faire acheter par un ami » était un vrai coup de génie. Je me suis dit : soit c’est Modiano, soit Désérable est vraiment un bon écrivain (ce dont je n’étais pas encore sûr à l’époque). Ce grain de réel, c’est oeuvre d’écrivain. Après avoir vérifié dans le cahier de l’Herne qui lui est consacré, je dois bien convenir que Modiano signe parfois d’un « Vôtre » ses courriers personnels. Mais en même temps, ce souci du détail est lui aussi désérablien… À ce moment-là, j’y croyais à moitié.

F.-H.D. : Et puis j’ai pensé qu’il fallait frapper un grand coup.
Je cherchai l’adresse de Modiano sur Internet : 88, rue Bonaparte, à deux pas de la place Saint-Sulpice. Venez plutôt chez moi, écrivis-je. Tu étais méfiant : il doit y avoir un digicode, n’est-ce pas ? Il y en avait bien un. J’appelai les éditions Gallimard, modifiai ma voix, et avec un léger accent du sud je demandai : « Bonjour, je dois livrer un
colis à M. Modiano Patrick. Pourriez-vous me donner le code de la porte d’entrée ?
— Mais Monsieur, me répondit-on, outré, vous croyez vraiment que l’on donne les codes d’entrée de nos auteurs ? » Je raccrochai. Il fallait louvoyer. J’allai donc me poster devant son immeuble, dans un petit square de l’autre côté de la rue. Une méthode de voyou, j’en conviens. Deux heures passèrent, une fille jeune et jolie finit par s’arrêter devant la porte. Je me précipitai derrière elle, et la surpris en train de taper le code que dans la foulée je t’envoyai via la fausse adresse mail. Dans une heure tu serais là, à ton tour tu composerais les chiffres et les lettres qui t’ouvriraient la porte, puis tu monterais trois étages, sonnerais chez Modiano, te retrouverais nez à nez avec lui, et s’ensuivrait  le plus grand quiproquo de l’histoire de la littérature française. Je me frottai les mains.

C.B. : Audacieux, audacieux. De la veine de Guy Bedos, qui, on ne le sait pas assez, fomenta un enlèvement de Julien Gracq avec quelques amis après que le grand écrivain eut refusé le prix Goncourt en 1951. Là où tu as commis une petite erreur, c’est en me proposant de venir chez Modiano plutôt que dans un restaurant. Car il se trouve que dans l’immeuble où habite Modiano habite aussi la soeur d’une de mes amies… Il ne me faut pas dix minutes pour obtenir le code de l’immeuble. Et il se trouve que tu t’étais trompé d’un chiffre dans ton espionnage. Quelques indices m’avaient déjà alerté de la supercherie, mais si tu m’avais donné le code exact, Dieu sait ce qui serait arrivé. O tempora, o mores.

F.-H.D. : Tu n’es donc pas venu. Mais je ne pouvais me résoudre à rentrer chez moi sur un échec. Alors je trouvai une petite librairie, demandai le dernier Bénech, qui était aussi le premier, contribuai à l’augmentation de ton capital, entrai dans l’immeuble de Modiano, sonnai à sa porte, puis décampai non sans avoir préalablement posé sur son paillasson un exemplaire de L’Été slovène agrémenté d’une grotesque dédicace de l’auteur. Je suppose que Modiano ne t’a jamais répondu…

C.B. : Cette irrévérence, je ne m’en remets pas. En parlant de paillasson, ça me fait penser à celui de Françoise Mallet-Joris qui, dans les années 1970, fut brûlé par quelques agitateurs pour protester contre les petits arrangements du prix Goncourt. Un groupuscule de fouteurs de merde, mené par Jack Thieuloy et Jean-Edern Hallier, était à l’origine du feu. Ce sont les mêmes qui ont aspergé Michel Tournier de ketchup quand il s’est vu remettre le prix. Pour atteindre ce niveau, il faudrait vraiment qu’on frappe fort. Un duel, par exemple, ça pourrait être une bonne idée…

F.-H.D. : Un jour, je t’enverrai mes témoins.

ARTICLE À RETROUVER DANS LE NUMÉRO 50


Clément Bénech et François-Henri Désérable
Nés respectivement en 1991 et 1987. Vivent respectivement
à Bordeaux et Montpellier. Sont joueurs respectivement de basket (amateur) et de hockey (professionnel).
Sont amis dans la vie et sur les réseaux sociaux.
Derniers livres parus : pour l’un, Un amour d’espion, Flammarion, 2017. Et l’autre : Un certain M Piekielny, Gallimard, 2018

LE NUMÉRO 56

CHRONIQUES
Le Journal littéraire • Xabi Molia
Un carnet de bord pas comme les autres
Regards
#1 Une liste à la Sei Shônagon autour de Borges par Eduardo Berti
#2 Une uchronie littéraire sur Frédéric Berthet par Pierre Bayard
#3 Une réhabilitation de la lapalissade par Dan Nisand
L’Interview imaginaire • Marcel Aymé
Une conversation inédite et exceptionnelle avec Marcel Aymé
Et moi, je vous en pose des questions ? • Éric Neuhoff
Tout savoir sur l’auteur en moins d’une minute, montre en main
Pour remonter le moral de l’auteur • Iegor Gran
Quelques conseils pour ne pas sombrer dans la neurasthénie
Notes de bas de page & poils de chèvre • Arthur Devriendt
Comment faire la différence entre son cousin et un morceau de parmesan?
Postures (et impostures) de l’homme de lettres • Jean-François Kierzkowski
Où l’on apprend que plagier, c’est pas beau

THÉMATIQUE
Les écrivains écrivent (toujours), lisent (souvent), et fréquentent des librairies (parfois). Mais qu’aiment-ils quand ils ne s’adonnent pas à l’une de ces trois activités ?
Pénétrez dans l’intimité de quelques écrivains et découvrez où se rend deux à trois fois par semaine Alexandre Kauffmann ; ce que collectionne Arthur Dreyfus ; comment Clément Bénech occupait les après-midis de son adolescence ; ce que contient « l’autre carnet » d’Éric Chevillard ; pourquoi Erwan Desplanques connaît par coeur le nom de certaines aires d’autoroutes ; quel est le soleil caché de Frédérique Deghelt ; pourquoi Louis-Henri de La Rochefoucauld est invisible un mois par an ; le trésor – bien caché – de Nathalie Kuperman ; ce que pratique par procuration Patrice Pluyette et pourquoi Sophie Divry a souvent le nez en l’air.

LA PANOPLIE LITTÉRAIRE
FRANÇOIS BÉGAUDEAU
PAR FRANÇOIS BÉGAUDEAU

BÉGAUDEAU PAR BAUDOUIN NOVEMBRE 2016

Auteur de 13 romans, mais aussi d’essais, de bandes dessinées, d’articles critiques, de pièces de théâtre, de scénarios et sans doute encore de quelques SMS, mails ou tracts, François Bégaudeau dans son autoportrait littéraire interroge sa biographie, parcourt sa bibliographie et nous dévoile quelques livres de sa bibliothèque avec sérieux et autodérision.

CRÉATIONS
Nicolas Bouyssi,
Y disparaître
Nouvelle illustrée par Elis Wilk
Fabien Clouette & Quentin Leclerc, César et Jimmy
Une biographie semi-imaginaire de Jimmy Arrow
Illustrée par Maya Brudieux
Franz Bartelt, La Solitude
Nouvelle illustrée par Aurélie Garnier
François-Henri Désérable, Deux hasards en octobre
Récit illustré par Manon Bucciarelli
Achilléas Kyriakìdis, Ars poetica
Nouvelle traduite du grec par Nicolas Pallier Et illustrée par Elka
David Thomas, Le conseil d’Hemingway Et autres textes
Microfictions illustrées par Floriane Ricard

LE NUMÉRO 55

Chroniques
Le Journal littéraire

Laurent Sagalovitsch
Laurent Sagalovitsch met en scène son double attendant un signe de son éditeur
Regards #1
Philippe Forest
Portrait d’Arthur Machen, auteur injustement méconnu
Regards #2
Clément Bénech
Retour sur Édouard Levé : l’homme et l’œuvre
Regards #3
Bernard Quiriny
Une petite bibliographie fictive d’auteurs fictifs
Notes de bas de page
Arthur Devriendt
Un éloge du chauffe-plats – ustensile trop souvent moqué
L’Interview imaginaire
Flaubert, Zola et Maupassant
Une conversation inédite et exceptionnelle avec les trois Maîtres
La Pause
Alban Perinet et Jean-Baptiste Gendarme
La meilleure façon de faire lire un livre, c’est d’en parler
À vos idoles
Olivier Liron
Une lettre pour Saint-John Perse
Postures (et impostures) de l’homme de lettres
Jean-François Kierzkowski
Où l’on se pose la question de la postérité de l’auteur
Et moi je vous en pose des questions ?
Santiago H. Amigorena
Tout savoir sur l’auteur en moins de soixante secondes

Thématique

LE LIVRE QUI M’A MOMENTANÉMENT SAUVÉ LA VIE
Hasard d’une rencontre, éblouissement soudain, découverte providentielle…
Dix auteurs reviennent sur ce livre trouvé par hasard et qu’ils ont cru, à cet instant précis, écrit pour eux. Parce qu’il leur a permis momentanément de sortir la tête de l’eau, de retrouver un peu de lucidité, d’élan, d’espoir…

Avec :
Alice Zeniter
Brigitte Giraud
Colombe Boncenne
Emmanuelle Pagano
Éric Faye
Éric Neuhoff
Fanny Chiarello
François-Henri Désérable,
Nicolas Bouyssi
Stéphane Héaume

La panoplie littéraire
Serge Joncour
Par lui-même
joncour-by-baudouin-bd

Serge Joncour par Baudouin pour Décapage, juillet 2016

Serge Joncour revient sur son parcours, ses lectures, son travail et nous plonge dans son univers et les méandres de la création.

Un dossier sur mesure avec des documents inédits.

Créations
Numéro spécial « fragments » et formes courtes.
SÉBASTIEN AYREAULT
THOMAS VINAU
LISA BALAVOINE
DAVID THOMAS
FRANÇOIS MATTON

LE NUMÉRO 53

 

CHRONIQUES

Le Journal littéraire 
Alice Zeniter Quelques jours avec l’auteur de Juste avant l’Oubli (Flammarion, 2015)
Regards #1
Erwan Desplanques
Que fait l’auteur quand il est absent de Paris?
Regards #2
Pierre Ducrozet Où l’auteur démontre que Jean-Michel Basquiat est un grand écrivain sans livre
L’Interview imaginaire
Louis-Ferdinand CélineUne conversation avec Céline, un poil grincheux
La Pause
Alban Perinet et Jean-Baptiste Gendarme 
La meilleure façon de faire lire un livre, c’est d’en parler
À vos idoles
Valérie ZenattiUne lettre pour Charlotte Delbo 
Postures (et impostures) de l’homme de lettres
Jean-François Kierzkowski
Ceux qui parlent comme ils écrivent 
Et moi je vous en pose des questions ?
Bernard Quiriny
Tout savoir sur l’auteur en moins de soixante secondes
 
THÉMATIQUE
Le jour où mon manuscrit a été accepté
Treize écrivains reviennent sur ce jour sacré où leur livre à été béni par un éditeur
Avec :
Antonia Kerr
Carole Fives
Clément Bénech
Emmanuel Adely
Éric Holder
François Bégaudeau
François-Henri Désérable
Iegor Gran
Jean-Philippe Blondel
Nathalie Kuperman
Patrick Goujon
Valentin Retz
Xabi Molia
LA PANOPLIE LITTÉRAIRE
Maylis de Kerangal
Livre après livre, Maylis de Kerangal construit une grande oeuvre protéiforme.
Entre un voyage en Amérique du Sud et un séjour en Allemagne, elle nous a ouvert les portes de sa « chambre » pour nous plonger dans son univers et nous parler de son métier d’écrivain.
CRÉATIONS
Des nouvelles illustrées et cent pour cent inédites.
Jean Grégor
Thomas B. Reverdy
Robert Benchley
Thomas Vinau
Alexis Barthet
 

LE NUMÉRO 51

Illustration de couverture : Olivier Lerouge 


Chroniques

Le Journal littéraire             
Benoît Duteurtre
Quelques mois avant la parution de son dernier roman
Regards #1            
Claro
À quoi servent les revues littéraires ?
Regards #2            
Clément Bénech
Pourquoi tweeter ?
Regards #3            
Oscar Coop-Phane
Petit exercice d’autobiographie
L’Interview imaginaire             
Guy de Maupassant
Une conversation avec Maupassant qui n’a pas pris une ride
La Pause             
Alban Perinet et Jean-Baptiste Gendarme
La meilleure façon de faire lire un livre, c’est d’en parler
À vos idoles            
Dominique Fabre
Une lettre pour Emmanuel Bove
Posture (et imposture) de l’homme de lettres             
Jean-François Kierzkowski
L’atelier de l’artiste
Et moi je vous en pose des questions ?            
Frédéric Beigbeder
Tout savoir sur l’auteur en moins de soixante secondes
 
Thématique
Souvenirs de prix littéraire
À travers anecdotes et confidences, 
des écrivains racontent leurs souvenirs de prix littéraires.
Avec 
Benjamin Fau
Dan Nisand
Éric Pessan
François-Henri Désérable
Jakuta Alikavazovic,
Julien Blanc-Gras
Maria Pourchet
Véronique Ovaldé…
 
La Panoplie Littéraire            
Pierre Michon
Écrivain rare et secret, Pierre Michon 
ouvre exceptionnellement les portes de sa maison 
de campagne et évoque ses fétiches, ses amis, ses livres 
et plus généralement son métier d’écrivain.
 
Créations
Des nouvelles illustrées et cent pour cent inédites
Matthieu Rémy
Nouvelle illustrée par Elis Wilk
Hélène Lotito
Nouvelle illustrée par Aurélie Garnier
Thomas Vinau
Avec des images trouvées ici ou là
Rob Doyle 
Nouvelle traduite de l’anglais (Irlande)
par Alice Zeniter
Et illustrée par Marion Sellenet